Les potiers de Sifnos
Au cœur des Cyclades, l'élégante île de Sifnos a su garder vivantes ses traditions. Parmi elles, la céramique, un art millénaire qui a su se réinventer, plus raffinée fait encore vivre aujourd’hui quelques familles d'artisans.
Une campagne sillonnée de terrasses de culture et de chemins de randonnée, parsemée de petites églises et de beaux villages, il émane de Sifnos douceur et élégance. Île du bien manger, elle se distingue aussi par une production de céramiques raffinées. Jadis au cœur d’une production pré-industrielle exportée aux quatre coins de la Méditerranée, les artisans ont su réinventer cette tradition millénaire et l’adapter au goût du jour.
Présente depuis longtemps sur l’île (IXe - VIIe s. av. J.-C.), la céramique de Sifnos a connu son apogée aux XVIIIe et XIXe siècles. À cette époque, la centaine d’ateliers que compte l'île exporte dans toute l'Égée une céramique utilitaire de grande qualité. Les formes étaient variées puisque chaque plat cuisiné avait son plat en terre cuite attitré. Le tsikali pour la soupe de pois chiche, le mastelo pour le plat de viande préparé spécialement à Pâques, le giouvetsi pour les ragoûts... Cette activité florissante fut stoppée brutalement au milieu du XXe siècle à cause de l’essor de l’industrie, et en particulier de l’aluminium qui remplaça la céramique. Les ateliers fermèrent alors irrémédiablement les uns après les autres.
L'Atelier Lembesis
De nos jours, seule une quinzaine d'ateliers a survécu, parmi ceux-ci l’atelier Lempesis fait encore travailler 4 à 5 personnes. Giannis, la quarantaine, est le responsable de cet atelier qu'il partage avec son père et son frère. Il y a plusieurs années déjà, sur l’impulsion de sa mère, la charismatique et regrettée Kiria Katé, il a su faire évoluer son style et l'adapter à une nouvelle clientèle faite principalement de voyageurs. Oscillant entre tradition et modernité, les motifs figuratifs aux couleurs vives et chatoyantes caractérisent les créations de l'atelier Lembesis.
À leur apogée, chaque atelier pouvait employer jusqu’à 10 personnes. Il fallait ramasser l’argile dans la montagne, la transporter, puis la préparer. La cuisson dans d'immenses fours à bois, nécessitait alors une grande quantité de bois qu'il fallait aller couper dans les environs. Les fours mettaient parfois 12 heures pour atteindre la température nécessaire à la cuisson de la céramique... De récentes études scientifiques ont mis en avant la forte teneur de feldspaths de la terre de Sifnos. Ces minéraux agissent comme des fondants et rendent la vitrification plus rapide, garantissant ainsi une meilleure durabilité à la céramique. Cette particularité chimique, tout comme l’adaptation des ateliers sifniotes aux besoins spécifiques du commerce maritime de l'époque expliquent leur succès.
L'Atelier Atsonios
Sur la plage de Tsopos à côté de Vathy, les Atsonios sont potiers depuis 4 générations et sont parmi les derniers à être installés à l’ancienne, c’est-à-dire sur la plage. À l'époque, les barques venaient charger les céramiques directement depuis les pontons des ateliers qui se trouvaient sur des plages faciles d'accès en bateau. Les barques déchargeaient ensuite leur cargaison dans de gros caïques qui mouillaient dans la baie. Une fois chargés, ils poursuivaient leur route d'île en île et de pays en pays, dans toute la Méditerranée. Pour les Atsonios, le métier a changé en 1973, date de leur dernier chargement sur l’Agi Tinos devenu depuis un yacht de luxe. Tout comme les Lempesis, ils ont dû s’adapter.
L'Atelier de Giorgos Mpairamis
Signe des temps qui changent, Giorgos Mpairamis, un des derniers potiers installés à Sifnos, a construit son atelier directement sur une route et non plus sur une plage. Il n’a pas dû attendre non plus avant d'être raccordé à l'électricité et a commencé son travail directement au tour électrique.
La poterie utilitaire a ainsi cédé sa place à une céramique plus esthétique portée par une nouvelle clientèle. Les formes se sont modernisées et le style affiné. Ainsi, Atsonios mêlant forme brute et ligne épurée a conçu pour un des plus beaux hôtels de l’île, une superbe cruche design que l’on peut trouver à l’atelier ou dans la petite boutique de l’hôtel. Avec un magnifique travail sur les motifs et leur répétition, Lempesis est aujourd’hui exporté dans de belles boutiques parisiennes, et Bairamis, le dernier arrivé a tout de suite trouvé son public avec ses formes simples et ses couleurs pastel.
Sa céramique et ses ateliers, tout comme sa gastronomie et son art de vivre font de Sifnos la plus élégante des Cyclades.