Le Péloponnèse revisité : la Laconie
Explorer la Laconie de Sparte à Mistra en passant par Monemvasia et Kyparissi, c’est découvrir le cœur du Péloponnèse. De forteresses en paysages superbes, on découvre son histoire mouvementée et ses beautés naturelles.
Sparte, la cité sans muraille
Aujourd’hui, comme il y a 30 ans, l’arrivée sur Sparte est un peu décevante. De longues avenues sans charme se croisent à angle droit et semblent ne mener nulle part. Avec ses taxis rouges, seule originalité visible, on a du mal à imaginer que cette ville moyenne du Péloponnèse fût pendant l’Antiquité l’une des cités-états les plus puissantes de Grèce. Il y a bien cette statue monumentale d’un Léonidas bodybuildé, héros grandiose et malheureux de la bataille des Thermopyles, qui préféra un combat perdu d’avance à la capitulation. Molon Labe (Viens les prendre), répondit-il laconiquement à Xerxès, le Roi des Rois, qui lui proposait la vie sauve s’il rendait les armes. Son sacrifice sauva la Grèce du joug des Perses et inscrivit dans l’imaginaire collectif l’image d’une Sparte belliqueuse, sans muraille pour la défendre tant ses hommes habiles et vaillants étaient prompts au combat. Est-ce pour cette raison que l'on trouve si peu de vestiges antiques dans cette ville ? Les petits Spartiates d’aujourd’hui savent-ils que l’amas de pierres qu’ils escaladent au milieu de l’aire de jeux est le tombeau que la légende populaire attribue au roi guerrier ?
À 5 km environ, c’est un autre héros de la Sparte antique qui est célébré. Sur les hauteurs du Parnonas, dominant la magnifique vallée de Sparte plantée d’oliviers, se trouvent les vestiges du Menelaion, un monument dédié à Ménélas, roi de Sparte et époux malheureux d'Hélène, réputée être la plus belle femme de Grèce. Cette dernière fut enlevée par Pâris le fils du roi de Troie, Priam, suite à une ruse d’Aphrodite. Mélénas, bafoué, rassembla alors avec son frère Agammemnon, le puissant roi de Mycènes, rois et héros Grecs et partirent chercher la Belle Hélène, engendrant ainsi la Guerre de Troie, la plus célèbre épopée du monde antique contée par Homère dans l’Iliade.
Mistra, la poétique des ruines
À l’époque, tout comme aujourd’hui, on visite Sparte parce qu'elle se trouve sur la route du site archéologique de Mistra. Perchées sur un piton rocheux sur les contreforts du Taygète, les ruines de Mistra, joyau de l’architecture franque et byzantine, illustrent parfaitement l’histoire mouvementée du Péloponnèse.
Fondée en 1249 par Guillaume de Villehardouin, Prince d’Achaïe, pour protéger Sparte, Mistra fut prise en 1262 par les Byzantins, mettant ainsi fin à l’hégémonie franque en Morée qui datait de la fin de la quatrième croisade. En quelques décennies, Mistra devint alors le siège du Despotat de Morée, centre de la puissance byzantine en Grèce du Sud et seconde ville de l’empire après Constantinople. En 1460, elle tombe aux mains des Ottomans et le restera malgré quelques brefs intermèdes vénitiens et russes jusqu’en 1825 avant d’être rasée par Ibrahim Pacha et de connaître un déclin irrémédiable.
Les imposantes ruines de Mistra peuplent toute une colline et leur bon état de conservation permettent de se projeter dans le passé. Culminant à 620 m, le sommet est coiffé d’une impressionnante citadelle franque accessible après une montée harassante. Vu d’en haut le paysage est grandiose, d’un côté on voit la plaine de Sparte et de l’autre le majestueux massif du Taygète. La ville haute et la ville basse, œuvres des byzantins, sont entourées de murailles et accueillent le palais, les demeures aristocratiques, les bâtiments administratifs, ainsi que de nombreuses églises et monastères qui sont de véritables chefs d’œuvre. En déambulant dans les rues, on prend conscience de ses richesses passées et de sa splendeur d'antan.
Au-delà de Mistra, il faut prendre le temps de se perdre sur les pentes du Taygète, véritable colonne vertébrale du Péloponnèse séparant la Messénie de la Laconie. À Pikoulianika, un des jolis villages qui peuplent ses flancs, Mazarki Guesthouse avec sa vue magnifique sur la plaine de Sparte, est un point de chute idéal pour partir à l’aventure. Pour notre part nous avons fait un petit détour par le joli village de Anavryti avant de prendre la route du sud direction Monemvasia.
Monemvasia, majestueux rocher planté dans la mer
L’arrivée sur Monemvasia est grandiose. Plus on avance, plus la masse imposante de la presqu'île se détache sur la mer. Si de prime abord on distingue mal la citadelle tant elle se confond avec la couleur du rocher, petit à petit elle apparaît telle une vigie sur la mer.
Abri naturel, l’histoire de Monemvasia est liée à sa morphologie unique. En 1245, Guillaume II de Villehardouin désireux de la contrôler, la soumet après un siège acharné de trois ans. Mais, tout comme Mistra, il sera obligé de la céder à Byzance en 1264 pour payer sa rançon. Témoin de l’histoire mouvementée de la région, Monemvasia passa de main en main : Francs, Byzantins, Génois, Vénitiens, Ottomans, Italiens, Allemands et enfin Britanniques la conquirent tour à tour !
Dès le Moyen-Âge, Monemvasia était connue pour son vin, le Malvasia. Ce vin blanc doux était exporté jusqu’en Europe et même à la cour d’Angleterre où il fut rendu célèbre par Shakespeare dans sa tragédie Richard III. Le dramaturge fit mourir George Plantagenêt, frère du roi Édouard IV et du futur roi Richard III, noyé dans un tonneau de Malvasia. Sous l’occupation ottomane, les vignes furent arrachées condamnant ce vin à l’oubli, et ce n’est que cinq siècles plus tard, après douze années de recherches que Giorgos et Elli Tsimbidis viticulteurs dans les environs de Monemvasia ressuscitèrent le regretté Malvasia. Aujourd’hui, le Malvasia devenu AOP est toujours prisé. Il est assemblé par les trois filles de Giorgos et Elli qui développent magnifiquement la renommée du vignoble créé par leurs parents. Elles ont agrandi et modernisé le chai, proposé de nouveaux assemblages et créé une nouvelle identité projetant Monemvasia Winery dans une nouvelle ère.
Aux portes de Monemvasia, le Kinsterna
À quelques kilomètres seulement de l'impressionnante citadelle, le Kinsterna est un des hôtels 5 étoiles les plus agréables de Grèce. Loin du luxe ostentatoire, c’est une plongée au cœur du patrimoine de la région que propose cette élégante institution nichée dans une propriété agricole du XVIIe siècle. Magnifiquement restaurés, les édifices ottomans et vénitiens ont retrouvé leur lustre d’antan et notamment le corps de bâtiment central avec son superbe crépi sculpté à la main et incrusté d’éclats de céramique destinés à drainer l’excès d’eau. À ses pieds, une vaste terrasse domine le vignoble et offre une vue magnifique sur le rocher de Monemvasia dans le lointain. Au centre, trône l’immense citerne alimentée par une source qui a donné son nom à l’hôtel, Kinsterna signifiant citerne. Le soir venu, l’esplanade se transforme en un délicieux restaurant gastronomique, le Sterna. De part et d’autre, les 52 chambres et suites du Kinsterna se partagent entre une partie historique et une partie moderne. En contrebas, un dédale d’allées bordées d’essences méditerranéennes mène au verger et aux deux piscines, dont une est destinée aux petits.
En face, sur l’autre versant de la propriété se trouve le vignoble planté de Kydonitsa, un cépage local utilisé dans la production du fameux Malvasia, et dont l’hôtel fait un très bon vin blanc. À l’automne, sous les treilles de l'agréable taverne Linos, les hôtes sont invités à participer aux vendanges et au foulage des raisins. Dans l'enceinte de l'hôtel ou à l'extérieur les activités ne manquent pas, massages, hammam, balade à cheval, cueillette, visite de ruches, mais aussi visite de la grotte de Kastania, de l’île d’Elafonisos au sable si blanc qu’on se croirait aux Seychelles, ou encore de la cité engloutie de Pavlopetri…
Kyparissi, comme un goût de bout du monde
En quittant le Kinsterna pour l’Argolide, prochaine étape de notre périple, on emprunte la route qui longe le Mont Parnonas en direction du nord. Premier arrêt à Gerakas, petit fjord où le temps semble s’être suspendu depuis notre dernier voyage. En ce mois de septembre, seules deux tavernes sont ouvertes et après être monté à l’ancienne acropole qui domine le petit port, nous dégustons au bord de l'eau un poulpe grillé et une saïta , une pita à la pâte fine fourrée d’herbes et saupoudrée de fromage.
En reprenant la route, on admire les paysages du Zarakas cette partie isolée et peu peuplée du Péloponnèse. Plus on avance vers Kyparissi, plus ils deviennent spectaculaires, la montagne se couvre de forêt et les falaises abruptes dégringolent sur la mer de Myrto offrant des plages de toute beauté. Dernière halte dans le joli de Kyparissi et son air de bout du monde où il n’y a pas grand-chose à y faire, si ce n’est de profiter de la mer et laisser son esprit divaguer entre chemins de traverse et paysages sans âge du Péloponnèse. Demain, il faudra repartir, mais demain est un autre jour…