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Folégandros, Cyclades, Grèce

Folegandros Blues

  • Photo : Laurent Fabre
  • Texte : Isabelle Zigliara
  • Publication : 17/02/2025
  • Mise à jour : 20/02/2025

Les jours rallongent doucement, le soleil pointe son nez et les murs se parent de chaux... Pas de doute, la saison arrive sur la pointe des pieds. En ce début de printemps, Folégandros, petite île sauvage des Cyclades, se prépare pour l'été. D'ici quelques semaines, ses 700 habitants devront partager pour quelques mois la beauté sans artifice de leur île.

Avec ses 32 km², Folégandros se trouve entre Milos et Santorin sur l’arc volcanique sud-égéen. Son paysage sec et escarpé était cultivé il y a peu, comme en témoignent les nombreuses terrasses de culture et les fermes isolées qui s’égrènent sur cette terre aujourd’hui presque stérile. Peu d’arbres, peu d’eau, un vent puissant et l’éloignement ont longtemps fait de Folégandros une île difficile d’accès. Aujourd’hui, plus accessible et en bonne place sur la liste des « Cyclades à absolument visiter », le tourisme fait vivre l’île. Chaque famille possède, dirige ou travaille dans une taverne, une guesthouse, une agence de location de voiture, de bateau-taxi ou de bus. « Sans la taverne et les chambres que nous louons, je ne pourrais pas m’occuper de mes bêtes et garder un lien avec ce qui fait l’identité de l’île », nous confie Dimitris qui produit du manoura, un goûteux fromage de chèvre. Mais si le tourisme est devenu une source de revenus nécessaire pour les insulaires, son développement non maîtrisé inquiète car il menace des écosystèmes naturels, culturels et économiques très fragiles, d'autant que l'ONG Europa Nostra cite Folégandros, mais aussi Sifnos et Sérifos, parmi les îles particulièrement menacées.

Ainsi l'ouverture au printemps dernier de l'hôtel Gundari, un superbe 5 étoiles, a suscité des questions parmi les habitants, partagés entre les opportunités qu’il représente et les conséquences du développement du tourisme de luxe sur l’île. Posé à flanc de falaise, on rejoint l'hôtel après plusieurs kilomètres de pistes cahoteuses. Avec la mer Égée pour tout horizon, les 25 suites qui se nichent dans de petits bungalows, auxquels viendront bientôt s’ajouter 14 autres suites et deux villas, déclinent un design minimal et chaleureusement épuré. La pierre brute côtoie le bois sculpté d’une magistrale tête de lit et de délicates lampes de chevet en papier, diffusant une lumière tamisée. Les plus vastes, construites sous-terre au plus près de la falaise, disposent d’un pick-up avec une jolie sélection de vinyles, d’une douche extérieure idéale pour les journées chaudes et d’un dressing soigneusement aménagé. Chaque suite, de la plus petite à la plus grande, possède sa propre piscine. Côté service, rien à redire, il est agréablement fluide et efficace, à l’image de Ricardo Larriera, le propriétaire des lieux, un Australien tombé sous le charme de l’île il y a quelques années.

Paysage de Folégandros Terrasses de culture abandonnées dégringolant la mer
Enclos à chèvre sur la route de l'hôtel Gundari “Lemonospiti“, enclos pour protéger les citroniers
Église surplombant l'hôtel Gundari Champs d'olivier
Piscine de l'hôtel Gundari
Hôtel Gundari Chambre de l'hôtel Gundari

On quitte le Gundari pour la belle Chora voisine avec ses ravissantes placettes flanquées de petites églises. Le village prend vie à la nuit tombée, lorsque toute l’île s’y rassemble pour dîner sous la voute étoilée et la protection de la Panagia. On rejoint cette magnifique église qui surplombe le village en empruntant un escalier en zigzag accroché à la falaise.

Plus au nord, le cœur de l’île bat à Ano Meria où se succèdent plusieurs hameaux composés de petites fermes et de leurs lemonospitia. Curiosité de l’architecture vernaculaire de l’île, ces maisons pour citronniers sont constituées de hauts murs circulaires qui protègent le fragile agrume des assauts du vents. Depuis plus de 70 ans, la famille d’Irini Papadopoulou tient à Ano Meria une taverne-minimarket ouverte tout au long de l’année. Dans une ambiance familiale, on est servi par sa petite-fille, tandis que Konstantinos, l’arrière-petit-fils, gambade entre les tables. Aubergines farcies et matsata (pâtes locales) accompagnent à merveille chèvre, agneau ou lapin. Il ne faut pas s’y tromper, à l’instar de Naxos, Schinoussa ou Kythnos, Folégandros c’est une île de paysans et non de pêcheurs.

Non loin d’Ano Meria, on descend faire un plouf sur la plage d’Agrila. Bondée en été, nous avons la chance de la découvrir plus calme avec ses tavernes, ses rooms-to-let et ses bateaux-taxis en partance pour les plages de Galifos, d’Agios Nikolaos ou de Livadaki.

Église de la Panagia
Âne sur une place de chora Eglise dans le kastro de Folegandros
Chora de Folégandros
Ruelle à Chora Maison dans le Kastro de Folegandros
Taverne d'Irini Papadopoulos à Ano Meria Âne à Ano Meria
Bateau taxi à Agrila Monument au dessus de la plage d'Agrila
Ano Meria Taverne à Ano Meria

En poursuivant vers le nord, nous atteignons le but de notre voyage, Ambeli. C’est là, en surplomb de la plus adorable et de la plus petite plage de l’île, que Matteo Serri et Alessandro Pagnoni posent leurs valises pour l’été. Amoureux de Folégandros, ils ont passé près de vingt étés chez Lydia à Galifos Eco Houses, où encore aujourd’hui, il n’y a ni électricité, ni eau chaude. En découvrant la crique d’Ambeli, il y a plusieurs années avec un pêcheur, Matteo, par ailleurs marin, a eu le coup de foudre pour ce paradis du bout du monde. Il a d’abord acheté un premier terrain, puis un second sur lequel il vient d’ouvrir Spina, un endroit « où l’on rêve et l’on dîne », cinq chambres au design sobre et parfaitement intégré au paysage et un délicieux restaurant. Être discret, protéger le lieu, être en contact direct avec la nature. Telle est l’ambition de Matteo qui souhaite progressivement se mettre en retrait du monde de la mode, où il officie comme photographe et directeur d’un studio, pour passer plus de temps à Folégandros. Autonome en électricité grâce à des panneaux solaires, en eau avec son énorme citerne, et avec un recyclage écologique des eaux usées, il tient à ce que l’impact de Spina sur l’environnement soit le plus neutre possible. Pour le restaurant, c’est pareil, presque tout est cuit au feu de bois, les fruits et légumes viennent de petits jardins potagers qui se trouvent en contrebas dans le lit de la rivière et les poissons sont issus de la pêche locale. Il n’y a que pour le fromage, qu’Alessandro, le chef, se permet une petite incartade en Italie. Passé par plusieurs tables étoilées, et notamment la fameuse Osteria Francescana, il a décidé de suivre son meilleur ami, dans le projet un peu fou de Spina.

Durant deux jours et deux nuits, nous avons vécu le rythme d’Ambeli. Nous profitions de la plage seuls au petit matin, avant que le soleil ne l’inonde et en fin de journée lorsque les quads, scooters et autres véhicules la délaissait. De balades en de baignades, nous avons partagé le paradis de Matteo et de ses amis. Le soir, nous nous sommes régalés avec le menu unique concocté par Alessandro et dégusté le meilleur poulpe grillé. Puis, il a fallu repartir, quitter Spina, quitter Folégandros, les yeux emplis de beauté et la tête en proie à de profonds questionnements sur l’avenir de ces petites îles grecques. Mais, surtout, nous nous sommes sentis à notre place, renforcés dans ce qui définit Meltem, vous faire découvrir la Grèce d’une façon durable, pourquoi pas chic, mais surtout vraie.

Spina à Folégandros Chemin vers la crique d'Ambeli
Spina à Folégandros Spina à Folégandros
Spina à Folégandros Spina à Folégandros
Spina à Folégandros Spina à Folégandros
Spina à Folégandros Crique d'Ambeli

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