Zagori, au-delà des montagnes
Situées en Épire, aux confins de la Grèce et de l’Albanie, les Zagori font partie de l’immense chaîne du Pinde. Montagnes sculptées par l’eau, la nature y est grandiose. Des gorges de Vikos, les plus profondes du monde, aux imposants sommets des Astraka dominant le village de Papingo, en passant par les méandres du Voïdomatis semés de ponts de pierre et de forêts enchanteresses, une invitation au voyage « au-delà des montagnes ».
Paysages de légende
Les Zagori se concentrent autour des massifs du Tymfi et du Stouros. Entre ces deux montagnes, les gorges de Vikos, un canyon vertigineux creusé par une rivière aux eaux aussi pures que glacées. Au fil des millénaires, la rivière Voïdomatis a ainsi sculpté le paysage des Zagori. Par érosion, elle a créé les gorges les plus profondes du monde.
Ce paysage de géant est dominé par les Tours d’Astraka culminant à 2436 mètres. Elles surplombent Megalo et Mikro Papingo, parmi les plus beaux villages des Zagori.
Plus au nord, ce sont des dragons qui viennent peupler le paysage du lac d’altitude de Drakolimni. La légende voudrait que deux dragons vivant, l’un sur le Mont Tymfi, l’autre sur le Mont Smolikas s’affrontaient se jetant l’un à l’autre d’immenses blocs de pierre, creusant ainsi deux lacs appelés «lac du dragon». En réalité, ces dragons sont de jolis petits tritons qui peuplent les rives du lac.
[za] signifie derrière et [gora] montagne, en slave. Au VIe siècle, des tribus slaves sont se sont installées dans la région et ont traduit l’ancien nom grec de la région Panoraia dans leur langue
En quittant les sommets pour la vallée, on approche du Voïdomatis. Rivière glacée toute l’année, sa température ne dépasserait pas 8°C, elle prend sa source dans les gorges de Vikos pour se jeter dans le fleuve Aoos, non loin de l’Albanie. Au détour de ses méandres, apparaissent les lignes pures de majestueux ponts de pierre à une, deux ou trois arches, comme le pont de Plakidhas à côté du village de Kipi. Vieux de plusieurs centaines d’années, ils témoignent du talent de bâtisseurs des habitants de la région.
Il y eu jusqu’à 160 ponts dans les Zagori, aujourd’hui il en reste 60
Entre les sommets et le lit des rivières, une flore à la richesse inouïe tapisse les Zagori. Érables, chênes, châtaigniers, saules, sycomores... mais aussi de nombreuses plantes médicinales utilisées par des médecins itinérants au XIXe siècle. Sur les rives du Voïdomatis, entre les villages de Papingo et Aristi, une forêt de platanes aux reflets mordorés semble tout droit sortie d’un conte de fées. Dans ces contrées, l’imagination galope. À Oxia, une forêt minérale faite blocs de roches colossaux, évoque les paysages fantastiques décrits par C.S Lewis dans ses Chroniques de Narnia.
Terre d'histoire
Au-delà des montagnes, les Zagori constituent aussi une entité historique et culturelle faite 46 villages de pierres aux toits de lauze. Ces derniers partagent une architecture unique. Les lieux de vie, cafés, échoppes, écoles et églises sont construits autour d’une place centrale plantée d’un platane, à l’ombre duquel se déroulent les événements importants du village.
De cette place, plusieurs petites ruelles s’éloignent, flanquées de maisons aux lignes austères construites pour se protéger de conditions climatiques rudes et des pillages. Si les villages sont simples, ils témoignent néanmoins d’une certaine opulence, à l’image des villages d’Ano et de Kato Pedina situés de part et d’autre d’une vaste plaine fertile.
En 1431, après leur conquête par l’Empire ottoman, les villages du centre des Zagori conclurent un accord avec le vainqueur, Sinan Pacha. Au XVe, puis au XVIIIe siècle, les autres villages adhérèrent à ce traité. En échange de leur vassalité, ils gagnèrent le droit d’avoir un gouvernement autonome dirigé par un chef élu et une assemblée d’anciens représentant chacun des villages. Les villages étaient également exemptés d'impôt moyennant le maintien d’une cavalerie ottomane sur leur territoire. Au XVIIe, de nouveaux privilèges leur furent accordés, achevant ainsi de définir les contours de ce statut spécifique : contre le payement d'une taxe, la cavalerie se retira, le culte orthodoxe fut libre et l’entrée des Zagori devint interdite aux Turcs.
Peu de provinces bénéficièrent d’une telle autonomie sous l’Empire ottoman. Seuls le Magne, aussi reculé et inaccessible que les Zagori, et la Macédoine en raison de la richesse de ses mines, jouirent de statuts similaires.
Témoins d’une histoire unique inscrite dans un paysage splendide, les villages des Zagori font dialoguer nature et culture. Arrivé à Tsepelovo, l’un des derniers villages au-delà des montagnes, il est tentant de tracer la route et se perdre sur les pistes de la Valia Calda menant à Vovousa, mais c’est une autre histoire...