Portrait de Stratis Batagias
Après plusieurs années d’attente et de travaux, l'hôtel Manna a ouvert ses portes au cœur de l’Arcadie. Cet ancien sanatorium vieux de plus de cent ans renaît de ses cendres et donne un coup de projecteur à cette région reculée du Péloponnèse. Rencontre avec Stratis Batagias, son propriétaire.
Confortablement installé dans l’élégant bar du Manna face au Mont Mainalon, Stratis Batagias, esthète féru de design et grand voyageur, nous raconte son coup de foudre pour ce lieu hors norme. « Gamin, je venais plusieurs fois par an faire du camping à moins d’un kilomètre d’ici. Avec mes amis, on jouait à se faire peur en pénétrant dans cet immense bâtiment oublié. On jouait à cache-cache dans les étages délabrés, on avait peur car il n’y avait plus de toit (il a été donné à l’hôpital de la ville voisine) et on se racontait des histoires de fantômes. On a passé tant de bons moments ici. Très tôt, à 12 ans, j’ai fait le vœu d’acquérir ce vieux sanatorium et d’en faire un hôtel dans lequel je pourrai accueillir mes amis. Il m’a fallu bien des années et la vente aux enchères du bâtiment par l’état en pleine crise économique grecque pour réaliser mon rêve d’enfant. Après, ont ensuivi neuf années d’attente et de travaux avant de pouvoir enfin ouvrir les portes du Manna l’été 2023. »
À l’orée d’une clairière, non loin du petit village de Magouliana, l’hôtel apparaît au détour d’un virage. On se croirait en Autriche, ou bien dans le décor délicieusement suranné d’un film de Wes Anderson. Difficile de réaliser que l’on est en Grèce ! Nimbée du vert profond des hauts sapins, la majestueuse façade de pierre grise est rythmée par de hautes fenêtres qui faisaient entrer lumière et air pur dans cet ancien sanatorium. Construit à la fin des années 1920 pour soigner les soldats grecs atteints de tuberculose, le bâtiment sera abandonné à peine onze ans plus tard suite à la découverte de la pénicilline et tombera dans l’oubli. Aujourd’hui, il porte le nom de celle par qui tout a commencé. Anna Mêlas, infirmière et philanthrope, qui réussit à lever les fonds nécessaires à la construction du sanatorium, Manna est un jeu de mots entre son prénom Anna et mana en grec, qui signifie la maman.
Restauré par les architectes de K-Studio, Monogon et CS Architecture, le parti-pris était de garder l’esprit de ce lieu. Ainsi, la façade et certains éléments d’architecture comme les escaliers, les ouvertures, ou encore les salons, dessinés par les premiers architectes suisses, ont été maintenus. Trente-deux chambres ont été créées, en partie dans la nouvelle aile qui abrite aussi le spa et la piscine intérieure. Pour la décoration d’intérieur, K-Studio respecte le style du bâtiment dont l’inspiration initiale venait plus d’Europe centrale que de Grèce. Amateur de beaux objets, Stratis Batagias mettra son grain de sel dans le choix du mobilier. Parée de cuivre, la baignoire Ambra de Devon & Devon donne un côté boudoir aux plus belles suites, tandis qu’au bar, on contemple l’épaisse forêt depuis le canapé Panama Bold de Paola Navone pour Baxter. En dépassant les créations en bois de l’architecte Riccardo Monte qui peuplent les couloirs, l’esthète raconte comment, en flânant sur King’s Road à Londres, il trouva sa pièce fétiche : le Manx de Timothy Oulton qui trône couvert de laine à côté de l’imposante cheminée.
Magnifique cocon baigné de nature, le Manna propose une pause hors du temps. « Il se dégage des forêts d’Arcadie une énergie très puissante, c’est le berceau du dieu Pan, dieu sylvestre et musicien. J’aime venir m’y ressourcer, contempler ses paysages, emprunter l’un de ses nombreux sentiers balisés, mais également me régaler des petits plats concoctés par Athinagoras Kostakos, notre chef, qui sublime les produits locaux. » L’Arcadie se visite en toute saison. L’hiver, le sommet du Mainalon se couvre de neige et la station de ski ouvre ses pistes, puis au printemps, vient le temps de la randonnée, du rafting, du fat bike et de l’équitation… Terre de mythes à la nature sauvage, l’Arcadie est un paradis vert à découvrir.